Fin de guerre : "Le retour du soldat" par Donatien
Alors que la guerre fait rage en Ukraine, Donatien Moisdon, un des auteurs récurrents de notre journal électronique sur la toile, suggère que le blog apporte une contribution qui aurait pour titre "Fin de guerre"
Son argument tient la route: "La génération à laquelle j'appartiens s'effrite rapidement. Pourquoi ne pas publier une courte anthologie sur le thème : "La fin de la Guerre" ?"
Bonne idée, Donatien!
Sitôt dit, sitôt fait avec, en guise de premier chapitre, "Le retour du soldat" sa contribution au thème proposé.
S'il-te-plaît, dis-nous Donatien.
S'il-te-plaît, Donatien, dis Moisdon
Le retour du soldat
"Mon père ne revint sur la scène que le six juin 1945, un an, exactement, après le jour "J". Il faisait une chaleur étouffante. Ma mère et moi avions pris le car pour Rennes où Papa devait arriver. Nous attendîmes patiemment sur le trottoir, en face de la gare, en compagnie de centaines d’autres femmes et enfants. Nous n’étions pas admis dans la gare même : il y avait déjà trop de monde à l’intérieur, paraît-il.
La Police nous tenait à l’œil, mais ce n’était pas notre Police habituelle : c’était la Police Militaire américaine. Leurs impeccables uniformes brun clair, en léger coton parfaitement repassé, contrastaient avec les lourds tissus, informes et verdâtres, auxquels nous avaient habitué nos soldats.
Ces hommes bien nourris, au casque blanc, aux bottes reluisantes, au ceinturon orné d’un bâton et d’un pistolet noirs, ces géants aux décorations nettes et pimpantes, me firent une impression extraordinaire, car pour nous, qui venions (mais je n’en étais pas conscient) de passer cinq ans sans habits neufs et pratiquement sans savon et sans lessive, ils sentaient le linge propre, le shampooing, l’eau de Cologne et la cigarette blonde : tout un éventail de sensations nouvelles en ce qui me concernait. Ils mâchaient du chewing-gum en ayant l’air de s’ennuyer prodigieusement, mais on sentait qu’aucun détail ne leur échappait.
La gare pondait ses soldats avec une lenteur exaspérante. On ne leur permettait de sortir qu’après toutes sortes de vérifications. Beaucoup, en arrivant sur le trottoir, se laissaient glisser à terre avec leur lourd sac à dos, et s’appuyaient contre la palissade de pieux métalliques rouges et jaunes érigée pour remplacer l’ancien mur de brique, et derrière laquelle se profilaient les dômes gris et luisants d’un train blindé.
D’autres ex-prisonniers regardaient autour d’eux comme des enfants perdus. La guerre était finie, bien finie, et cependant la plupart des visages n’exprimaient que fatigue et tristesse. Des voix résonnaient tels de longs cris d’oiseaux dans une cathédrale. De temps en temps, une femme se détachait de notre groupe, se précipitait vers un soldat, et le serrait dans ses bras en sanglotant. L’homme, déséquilibré par cette collision, essayait d’enlever les courroies de son barda. Ses lèvres souriaient, mais ses yeux restaient morts, le bonheur dont il avait tant rêvé se désintégrant à l’instant même de sa concrétisation.
Une ombre, tout à coup, celle d’un soldat, se dressa devant moi. Ma mère pleurait sur son épaule. J’entendis une voix d’homme qui disait : “Laisse-moi embrasser le petit. Je ne veux pas qu’il se sente exclu.” L’ombre s’accroupit devant moi. Nos yeux, au même niveau, se rencontrèrent... s’interrogèrent. Le soldat m’attira doucement vers lui. Je l’embrassai sur la joue et m’y piquai les lèvres. Il ne dit rien ; moi non plus. J’avais peur de lui, et j’ai su, bien plus tard, qu’il avait lu dans mon regard quelque chose d’inquiétant qui lui avait fait peur, à lui aussi."
Donatien en anglais sur lulu bookstore
Vous voulez retrouver Donatien et le lire en anglais. Une bonne astuce : il suffit de commander son livre "Bestial" en suivant les indications qu'il nous donne.
Donatien Moisdon’s novel Bestial is now available as an e-book for $3.99 from the website of :
lulu bookstore.
However, if you simply enter BESTIAL you will not find it because apparently it harbors “explicit content” ! American puritanism will never cease to amaze me.
Enter DONATIEN MOISDON instead. You then click on show explicit content !
Sorry about that...
A review :
Here is one from Ronald Miller of Aurora, Ontario, Canada :
“Bestial” is a fascinating read. It is alive and captivating from beginning to end with skilled use of language and the ability to create vivid scenes and real life characters. This is a wonderfully crafted novel. It is both dramatic and sensitive and utilizes a lifetime of personal experience. The author incorporates suspense and horrific episodes that add a special dimension to the story. The subplots kept my interest in anticipation of ‘what could happen next ?’ The writer keeps weaving the fabric of the story to the very end with the finding of the rumored treasure, and also his acceptance that true love doesn’t demand perfection.