Livre et film, film et livre: que choisir et dans quel ordre?
Le livre après le film ou bien le film après le livre?
Avec la récente sortie au cinéma d'" Au revoir là-haut "adapté du prix Goncourt de Pierre Lemaitre ou celle de" La Promesse de l'aube" tirée du roman de Romain Gary, la question se pose.
J'entends déjà des proches d'écrituriales encore sous le charme de leur dernière sortie au cinéma:
" Voir le film après avoir lu le livre, surtout quand l'adaptation est fidèle, permet de tourner des pages en couleur. Voir le film avant d'avoir lu le livre fausse notre vision des choses et les images viennent parasiter la lecture."
D'autres, comme notre sage Donatien Moisdon, ont une approche différente.
Alors Donatien, dis Moisdon, dis nous donc!
De Stephen King à Kubrick et Rob Reiner
"C'est un lieu commun d'affirmer que le film tiré d’un livre est moins bon que le livre. C’est très souvent vrai, surtout si le livre est excellent.
Je n’aime pas beaucoup les romans de Stephen King, et puisque nous parlons exceptions, j’en mentionnerai une : "Misery". Pourquoi ? Parce que dans "Misery" on ne rencontre ni fantômes ni esprits maléfiques. Dans un roman, amener des esprits est vraiment une solution de facilité, un deus ex machina. On peut leur faire accomplir n’importe quoi n’importe quand, n’importe comment. Les limites physiques et mentales de l’être humain sont abolies ; or ce sont précisément ces limites et ce carcan qui sont à l’origine du drame de la condition humaine.
C’est pour cela que j’aime "Misery": aucune intervention extrahumaine. Comparé au roman, le film de Bob Reiner est médiocre, et confirme ainsi l’idée communément acceptée que le film est inférieur au livre.
Restons avec Stephen King, mais cette fois pour "The Shining".
L’auteur présente les fantômes et autre esprits maléfiques comme étant bien réels, au point qu’ils s’échappent d’un hôtel en flamme par les fenêtres ! Mais maintenant nous retrouvons Stanley Kubrick. Dans son film, tout ce qui est magique et visions terrifiantes se passe strictement dans les imaginations surchauffées de l’écrivain raté et de son fils.
Résultat : un chef d’œuvre qui dépasse de loin le roman.
Pour aller encore plus loin, parlons des reprises de film par rapport à l'original et au livre. La reprise d’un film est moins bonne que l’original. C’est vrai, mais…Je pense à deux exceptions. Il y en a certainement d’autres.
"Three Men and a Baby", mis en scène par Leonard Nimoy est une reprise du film français "Trois hommes et un couffin" de Coline Serreau. J’y ai trouvé les dialogues moins hystériques et beaucoup plus drôles que dans l’original. La qualité de l’image est meilleure, et le spectateur sympathise plus facilement avec les protagonistes.
Lolita de Nabokov à Kubrick et Lyle
"Lolita" d’Adrian Lyle est une reprise du "Lolita" de Stanley Kubrick. J’ai une immense admiration pour Kubrick, mais tout artiste, même tout grand artiste a des moments de faiblesse. Le"Lolita" de Kubrick est malmené de plusieurs façons.
Lolita, qui est censée n’avoir que quatorze ans, en a clairement vingt ou plus. Quant au professeur, joué pourtant par le formidable James Mason, le scénario s’acharne à nous le présenter comme un être dur, égoïste et attiré uniquement par le côté physique de Lolita. Le spectateur a beaucoup de mal à s’identifier à un personnage aussi rébarbatif.
Lolita elle-même n’est qu’une petite aguicheuse pleine de caprices. Son cœur est froid comme un glaçon. Par contraste, la Lolita d’Adrian Lyle n’avait vraiment que 14 ans au moment du tournage, et ça se sent tout de suite. Elle n’est pas amoureuse de son professeur, mais elle dégage une chaleur humaine, une dimension psychologique et une sensualité, que la Lolita de Kubrick ne possède pas.
Le professeur, joué par Jeremy Irons, est sympathique. Il n’est pas attiré uniquement par le physique de Lolita : il en est vraiment amoureux. Si l’on ajoute la somptuosité des images et des cadrages, on se retrouve devant un vrai chef d’œuvre, comparé à une entreprise ratée."
Merci Donatien pour cet éclairage!
Qu'importe après tout!
Si une reprise, même ratée, redonne envie de se replonger dans le film original et dans le bouquin, c'est tout bon.
La version 2013 de Baz Luhrmann, excessive mais chatoyante avec Leonardo di Caprio, m'a donné envie de replonger immédiatement avec délices dans le livre flamboyant de Scott Fitzgerald.
Et il m'a donné envie de revoir le Gatsby plus académique réalisé par Jack Clayton avec Robert Redford en 1974.
Alors, prendre une vraie cure de Gatsby grâce à un film soi-disant raté, que demander de plus, après tout?
Chacun y retrouve le Gatsby qu'il veut à sa mesure ou à sa démesure!
Et dans tous les cas, en livre ou en film, en américain ou en traduction française, Gatsby reste grand.
Gatsby reste magnifique!
Alain CADU
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