Le franglais est un sujet qui passionne ou agace. C'est selon!
C'est au tour de Donatien Moisdon d'apporter son éclairage après la brillante chronique de Françoise Dubost-Luciani déjà publiée dans le blog écrituriales "Franglais or not franglais"
C'est documenté et précis, comme d'habitude.
Et ses citations font mieux qu'un effet-boeuf.
Elles font, vous l'allez voir, un effet Ruteboeuf
Bonne lecture!
Enjoy!
Donatien, dis-moi! Donatien, dis Moisdon...
Alain
"Les langues évoluent pour la simple raison que tout évolue, tout est fluide. Toutefois, cette simple constatation ne doit pas nous inciter à faire en sorte que l’évolution s’accélère. En effet, plus une langue est stable, plus son impact culturel est puissant.
Faute d’avoir fait des études spécifiques – l’École des Chartes, par exemple - Nous ne comprenons plus le français médiéval. Cependant, lorsqu’il est adapté (plutôt que traduit) par des érudits tels que Maurice Rat, nous en saisissons tout l’intérêt et toute la beauté. Parmi les écrivains du Moyen-âge, il en est qui instinctivement, mais certainement aussi avec un énorme talent, ont su choisir les mots qui ne vieilliraient pas, ou très peu.
Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés ?
Ils ont été trop clairsemés.
Je crois le vent les a ôtés.
L’amour est morte.
Ce sont amis que vent emporte
Et il venta devant ma porte.
Les emporta…
Seule l’orthographe a été modernisée : les mots eux-mêmes, n’ont pas été changés, encore moins « traduits ».
Si Rutebeuf s’était laissé aller à choisir des mots « à la mode », nous ne comprendrions plus rien, et notre héritage culturel n’en serait que plus pauvre.
Une langue d'importation
Que le français, au cours des siècles, et comme toutes les autres langues, ait intégré des mots venus de l’extérieur, rien de plus normal. Nous y trouvons de l’allemand : blockhaus, ersatz.
Du néerlandais : huître, brandy.
De l’italien : pergola, piano, soprano.
De l’arabe : algèbre, alchimie.
Du russe : mazout, clacksons.
Du turc : bazar, assassin.
Et bien d’autres.
English spoken
Puis, il y a l’anglais. Il suffit d’ouvrir une revue (et non pas un magazine) comme Elle ou Marie-Claire pour y trouver un anglicisme par ligne. L’une d’elles, Challenge, a carrément opté pour un titre en anglais. Les journaux télévisés ne font pas mieux ; la publicité non plus.
Les supermarchés ont des drive, les grand couturiers ont la Fashion week, et Renault la French touch.
Il n’est pourtant pas si difficile de trouver le mot juste.
Design = style, conception, aspect, création.
Booster = augmenter, encourager, développer
Star = vedette
Tester = essayer ou vérifier
Moutons de Panurge
On pourrait citer des centaines d’exemples de ce genre.
Peut-on analyser la mentalité de tout un pays comme nous pourrions analyser la personnalité d’un seul être humain ? Y a-t-il une sorte de corps mystique français qui, à l’instar des moutons de Panurge, pousserait toute une nation à se précipiter vers le suicide culturel ?
« Les Français sont des veaux » disait de Gaulle. Les grands pontes de notre soi-disant Éducation Nationale en sont parfaitement conscients, et bien décidés à éradiquer tout ce qui, de près ou de loin, conduirait les élèves du secondaire à s’identifier à la France et au français. Moins on a de racines, plus on est influençable.
Dans un premier temps, on accepte le franglais.
Dans un deuxième temps, on l’emploie systématiquement pour faire « bien », pour avoir l’air « dans le vent ». Mais quel vent ? Celui d’une civilisation que l’on en vient à considérer comme nettement supérieure à la nôtre ?
Dans un troisième temps, on a honte d’être Français, et on a honte de l’héritage culturel de la France. Inconsciemment, nous nous sommes rangés parmi les citoyens de seconde zone. Nous nous sommes réfugiés dans une sorte de dhimmitude intellectuelle par rapport au monde anglophone. Quand les anglophones s’aperçoivent à quel point leur langue a envahi la nôtre, cela les amuse, mais leur donne également un sentiment de supériorité. Ils y voient le signe évident que leur culture est supérieure à la nôtre.
Québec: "Je vous ai compris"
Prenons plutôt exemple sur le Québec, plus conscient du danger, et condamnons l’usage du franglais.
Certains enthousiastes de la langue française n’ont pas de mots trop durs pour les nations anglophones, mais nous ont-elles jamais imposé le franglais ? Se sont-elles données pour mission de détruire notre langue ?
C’est le dernier de leurs soucis.
Nous sommes les seuls coupables."
Donatien MOISDON